Une communication de Sensei Roland Habersetzer sur sa page Facebook :
son “Guide Marabout du Karaté” fête ses 50 ans…
  
Printemps 1969…. il y a tout juste 50 ans…
un certain « Marabout »  vint… 
et, pour beaucoup, il ouvrit une route enthousiasmante… !!

                ET DE TROIS ! Je mis plusieurs mois à comprendre que la parution de mon « Guide Marabout du Karaté »  (venant après « Apprenez-vous-même le Karaté » et « Le Karaté, technique Wado-ryu ») avait fait l’effet d’un véritable coup de tonnerre dans un milieu martial alors bien peu fourni en littérature spécialisée. Mais il est vrai que j’avais bénéficié sans le savoir d’un timing parfait.
                Avec plus de 200.000 exemplaires (mais oui !) distribués dans le monde francophone (et bien au-delà) entre 1969 et la dernière mouture du titre parue en 1987 (sans l’aide d’aucun vecteur publicitaire ni soutien d’aucune fédération : juste le bouche à oreille et la curiosité de ceux qui se déplaçaient encore en librairie, en ce temps-là) , il est vrai que, de manière tout à fait inattendue,  je me suis fait connaître, moi l’Alsacien travaillant en silence dans son coin perdu dans les sapins, rarement aperçu dans les cercles fédéraux parisiens, donc ignoré.  Et à défaut de tirer fortune de mon travail (les droits d’auteur étaient scandaleusement dérisoires, mais j’avais une telle passion de communiquer la mienne, que je ne me souciais absolument pas de cette question),  j’avais fait passer de manière tout à fait inespérée et imprévisible un message martial auquel j’avais cru depuis mes débuts (et auquel je crois toujours après 62 ans de pratique). Dans une démarche pionnière motivée par une volonté éducative. On ne se refait pas.


1969


Recto de la couverture de 1969


1978


La dernière couverture de 1987
                Au-delà des références historiques et de la technique (notamment les katas Kanku, Tekki, Bassai, décrits avec précision, avec l’info que je pouvais avoir à l’époque), le chapitre final « Les secrets du karaté », où je livrais mes recherches comparatives sur les « Voies » qu’avaient suivies les hommes de bonne volonté dans toutes les civilisations et en tout temps, ouvrit pour beaucoup des pistes de réflexion qui les engagèrent à pousser pour la première fois la porte d’un dojo. La curiosité pour les choses de l’Extrême-Orient était alors grande et ce livre étanchait une partie de la soif. Il est vrai que, très rapidement, j’eus quantité de courriers me demandant où on pouvait pratiquer « ce karaté-là » (sic), et je commençais à me rendre compte que dans ce que j’avais écrit je n’avais engagé que moi-même et mes propres convictions, et que cela ne représentait (déjà) plus ce qui se passait dans la  majorité des dojos de karaté qui commençaient à foisonner en surfant sur la vague… Rappel, pour ceux qui ne le sauraient toujours pas : fatigué de devoir expliquer à mes lecteurs que je n’avais aucune responsabilité dans ce qui se passait ailleurs que dans mon propre dojo à Strasbourg,  je décidais dès 1974 de tourner le dos à la fédération sportive en créant en toute indépendance ma propre organisation, le « Centre de Recherche Budo » (développé 20 ans plus tard avec mon « Institut Tengu » et mon propre Tengu-ryu Karatedo), définitivement démarqué des styles quasi tous devenus sportifs maintenant. Mais personne ne peut ignorer l’impact qu’eut ce livre de 415 pages, et l’effet dopant qu’il eut sur les dojos de karaté en France et en Belgique, notamment (feu Jacques Delcourt, Président  de la Fédération Française de Karaté, s’en était réjoui en m’interviewant dans la revue fédérale). On  m’a rapporté que la génération actuelle de pratiquants, parmi laquelle de nombreux enseignants, avait souvent trouvé ce livre (très abîmé, tant il avait été utilisé) dans la vieille bibliothèque de ses… grands-pères. Ce « Marabout » marqua une trace profonde dans ma vie d’auteur, qui venait seulement de commencer. Mais sans prendre même le temps de fêter ce succès inattendu, je peaufinais déjà quelques titres qui allaient suivre rapidement, dont, encore cette même année 1969, l’énorme « Karate-do » (495 pages !) qui marquait mon entrée chez l’éditeur Amphora (voir mes « Mémoires »). J’en étais donc déjà à 4 à la fin de 1969 ! Cailloux laissés pour baliser ma route… (celui de chez Amphora tenait plutôt du pavé). Et cela commença à ne pas plaire à tout le monde : pensez donc, je n’avais rien demandé à personne, et mes livres devinrent rapidement une réelle source de découverte et/ou de progression pour beaucoup, vraiment beaucoup de monde (dont une partie préféra quand-même par la suite s’affranchir de ce souvenir, voire mordre la main qui avait nourri : en 50 ans, j’ai bien largement eu le temps d’enregistrer ce type de comportement…).
                Le « Marabout » fut plusieurs fois remanié par la suite, pour n’en garder que les aspects purement techniques (exit les considérations sur la « Voie » : le public commençait à changer et ne lisait déjà plus ce genre de choses…). Je trouvais que le livre y perdait de son âme, mais je n’avais rien à dire devant les exigences commerciales de l’éditeur, qui en verrouillait toujours la présentation. On trouve encore quelques survivants du tirage original de 1969, sur le web ou les foires aux livres, pour le plus grand bonheur des collectionneurs ! Ils noteront que j’y donnais aussi une bibliographie alors très complète sur le sujet (une démarche d’honnêteté, et dans l’idée d’aider, aujourd’hui largement ignorée, soit dit en passant).
                Et puis, pour la  petite histoire : je découvris quelques années plus tard, et avec  beaucoup de bonheur, que les photos de mon Marabout  avaient permis à Edgar Jacobs (1904-1987 : auteur dont je lisais passionnément les BD lorsque, adolescent, je découvris ses « Aventures de Blake et Mortimer ») de réaliser quelques planches illustrant ses scènes d’action dans l’album « Les 3 formules du professeur Sato ». Je vous laisse imaginer la séquence émotion, lorsqu’il voulut bien répondre au courrier que je lui avais adressé à ce sujet… On était alors encore loin de l’époque où les Manga puisaient largement dans le genre martial. M.Jacobs fut donc un précurseur en la matière.


Une des photos du Marabout qui a visiblement inspiré le père
des Trois formules du Professeur Sato


Planche d'Edgar Jacobs
 
                Et vous, ce « Marabout » vous parle-il encore ? Vous étiez déjà parmi ses premiers lecteurs, en 1969… ? Ou l’avez-vous jeté, revendu, transmis, oublié ? J’évoque certes une époque que les moins de 50 ans (!) ne peuvent connaître. Bien dommage pour eux, car quelle époque, où les promesses d’une vraie découverte « martiale » suscitaient chez tant d’entre nous un espoir enthousiasmant et d’une bien autre nature que la simple réussite en championnats ou le culte de l’ego.  Printemps 1969 ! Si longtemps après, je veux remercier ici tous ceux qui avaient fait confiance au message que je voulais partager dans ce livre. Et qui en restent nostalgiques… S’il y en a qui me lisent encore, je peux aussi leur dire que c’est toujours l’esprit de « ce karaté-là » que j’enseigne (encore…) dans mes traditionnels stages de Strasbourg (le 55e stage de printemps s’y déroulera les 18 et 19 mai prochains. Voir calendrier). Histoire de défendre le vrai sens d’une pratique de la « main vide », trop souvent devenue prétexte à un comportement incompatible avec le message humaniste d’une Tradition.

               Et à propos d’incursions vintages et ouvrages collectors : voyez donc sur www.encyclopedie-arts-martiaux-habersetzer.fr de mon ami Sylvain…
  
  

Page d'accueil  -  Vie du CRB