|             Déjà derrière nous.  Bien que certains aient appréhendé jusqu’au dernier 
		moment de se voir bloquer par quelques « gilets jaunes »  sur leur 
		route d’accès à Strasbourg. Il y avait de quoi, pour ce week-end encore 
		annoncé chaud dans le pays, mais certains Tengu, qui veillaient avec 
		bienveillance dans les forêts rhénanes, permirent aux audacieux de 
		passer… !!Après les traditionnels mots de bienvenue adressés aux 115 participants 
		(!) à ce stage historique (55 années d’ancienneté tout de même ! et il a 
		fallu se résoudre à clore les inscriptions plus de deux semaines avant), 
		venus encore de si loin parfois, Sensei Roland Habersetzer a tenu à 
		souligner, qu’au-delà de cette fantastique rencontre conviviale qui lui 
		fait à chaque fois chaud au cœur, il était important de comprendre 
		correctement le sens de ce qui allait être pratiqué pendant ces dix 
		prochaines heures sur les tatamis du dojo d’Eschau (Strasbourg). Car si, 
		reconnaît-il volontiers, les gestes du Tengu-ryu Karatedo s’assimilent 
		doucement d’année en année lors de ces séminaires traditionnels de mai 
		et de novembre, il lui semblait aussi que le sens de ces gestes 
		commençait à être moins bien compris, et même à échapper à beaucoup, qui 
		sont repris dans un formatage ancien par une mémoire musculaire 
		classique les ramenant inexorablement vers une gestuelle rien moins 
		que…sportive. Comme un retour à la case départ, une nouvelle mis au 
		point après tant d’années de travail et de discours sur la différence, 
		vitale, entre une pratique sportive (plaisante sans doute, mais 
		simplement…sportive) et une autre strictement orientée vers un martial 
		qui ne peut s’accommoder d’aucun aménagement « de confort » dans ce que 
		l’on fait dans son keikogi. Quelques rappels forts lui paraissaient donc 
		utiles au cours de ces deux jours : ce week-end serait l’occasion pour 
		le Soke de revenir très précisément sur un certain nombre de détails, et 
		d’interprétations, de la « Voie Tengu » (toujours très souvent mal 
		comprise dans sa dimension finale, qui la distingue pourtant 
		fondamentalement de tous ces systèmes de combat fleurissant partout pour 
		tenter de faire face à la baisse d’intérêt pour ce type de pratique).
 
 Il rappela d’entrée ce mot qui lui venait, il y a fort longtemps, de 
		Sensei Matayoshi Shinpo (1922-1997), lors de l’un de ses stages 
		pionniers de Kobudo d’Okinawa à Strasbourg : « En tant de guerre le Budo 
		sert à survivre. En temps de paix, à vivre plus longtemps ». Et 
		d’ajouter que le Tengu-ryu préparait tout à fait à ces deux options : en 
		s’entraînant de manière non inutilement excessive il permettait de mieux 
		gérer l’énergie, qui n’avait pas à être systématiquement sollicitée et 
		poussée à bout lorsqu’un tel excès ne valait pas la peine (avec 
		d’inévitables effets négatifs sur la santé, qui peuvent se révéler bien 
		plus tard, comme si le corps se vengeait de tant de dérives stupides…). 
		Cela, c’est l’intelligence d’un entraînement pour le « temps de paix ». 
		Mais en proposant en même temps des drills pointus (simulations les plus 
		proches possibles d’un combat de survie), basés sur une réactivité 
		explosive et intelligemment dirigée/maîtrisée, Tengu-ryu préparait 
		également à une situation possiblement extrême, unique. Pour le « temps 
		de guerre ». Ou de violence, tout court, au sujet de laquelle il y 
		aurait tant à dire, notamment dans la banalisation qu’en accepte jour 
		après jour notre société. Et qui fait que cette société ne ressemble 
		plus à celle d’il y a deux siècles, ni dans ses comportements ni dans 
		les réponses qu’elle peut donner à une violence quotidienne devenue 
		extrême. Les arts martiaux classiques n’ont d’évidence plus les outils 
		nécessaires pour faire face à ce monde qui a changé : il y a des années 
		que Soke le dit, l’écrit, le répète. Sans que cela n’incite à un début 
		de réflexion et de saine adaptation (avec, surtout, une proposition 
		réellement construite, comme il le fait depuis plus de 20 ans dans son 
		Tengu-ryu).
 Or Tengu-ryu (dans la ligne de ce Budo évoqué par Sensei Matayoshi) n’a 
		rien à voir avec tant de clones « martiaux » qui ratissent large en 
		amalgament parcours de santé, pratiques thérapeutiques orientées, 
		activités ludiques pour enfants ou pour personnes âgées, mélanges 
		habiles entre la danse, la méditation, le flou de bien des explorations 
		dites « internes », le culte du corps, le cardio-training, etc…Tout 
		cela, c’est autre chose. Ce n’est en rien l’objectif du Tengu-ryu. 
		Tengu-ryu, c’est préserver l’humain, pour le temps de paix, mais sans 
		hypothéquer l’efficacité, pour le temps de la lutte de survie. Apprendre 
		le comportement de l’Homme (toujours) - Guerrier (s’il le faut). C’est 
		bien pour cela, pour la franchise de ce discours-là, que cette 
		orientation n’a rien pour séduire une foule de pratiquants appâtés par 
		des discours plus rassurants, plus simples d’accès et plus valorisants 
		pour l’ego. Rien d’étonnant, et il faut s’en faire une raison. Si ce 
		qu’il proposait, souligne encore Soke Habersetzer, était volontairement 
		moins pointu, et moins exclusif, le Ryu drainerait des milliers de 
		pratiquants, et non quelques centaines d’adultes certes déterminés dans 
		un choix qu’ils ont souvent fait depuis des années, mais que l’on 
		rejoint de moins en moins. Un rude rappel, donc, et une mise en garde, à 
		l’entrée de ce séminaire. Une gravité du propos qui surprit avant même 
		que l’on engagea la première technique…
 Quant au programme, une fois ainsi rappelé le cadre de ce qui se ferait 
		au cours de ce week-end, dans l’intention comme dans l’action, il fut 
		comme à l’habitude très riche, formes traditionnelles (katas Shotokan 
		classiques) et adaptations pour le monde actuel (cette marque de Soke 
		Habersetzer). Qui démontra notamment dans les 3 domaines de compétence 
		qu’il a défini pour son Tengu-ryu, l’exact parallélisme, jusque dans la 
		ligne des katas dédiés et leurs Bunkai, entre les mouvements exécutés à 
		main nue, avec Katana, avec Tambo, avec pistolet (une réplique inerte, 
		« red gun », en dojo !). En passant de manière fluide de l’un à l’autre.
 On reprit également une révision approfondie du Tengu Goshin-no-kata, 
		dont la structure même révèle à qui sait se concentrer sur cet esprit du 
		geste ce qui fait de ce Kata un vécu unique : à travers ce qui le relie 
		à la tradition, comme dans l’ouverture de la piste d’une pratique future 
		qui se voudra rester dans le vrai martial. En laissant bien en première 
		ligne de cet ensemble à la fois l’efficacité et l’accompagnement moral 
		et mental de chaque geste. Ce qui fait du Tengu-ryu Karatedo, à la 
		différence de tant d’autres compilations-systèmes de combat actuels, 
		simples recueils de techniques, jamais originales en soi, dans une 
		course à la surenchère qui n’impressionne qu’en l’absence de toute 
		culture martiale, une école qui est habitée par des valeurs humaines 
		honorables, défendables, transmissibles à des générations que notre 
		société prive décidément de repères.
 
 Qu’en dire de plus de ce stage « historique » encore mené de main de 
		maître ? Que l’on a senti comme une sorte de message, de mise en garde, 
		de rappel à l’essentiel, avec une gravité particulière dans les propos 
		du Soke. Qui rappela encore que le socle moral de son Ryu (ce « Ne pas 
		se battre, ne pas subir ») n’est rien si on ne se donne pas les moyens 
		de l’appliquer avec la détermination nécessaire. Tant de questions 
		soulevées qui interpellèrent plus d’un, au point qu’un 
		« pourquoi maintenant ?» était sur les lèvres de nombreux stagiaires 
		lorsque l’on se quitta après ces 10 heures de pratique approfondie sur  
		la « Voie Tengu ».
 Le curseur d’une pratique « martiale » ainsi remonté au niveau d’où il 
		n’aurait jamais dû bouger, pour que Tengu-ryu (les moyens) débouche 
		réellement sur Tengu-no-michi (la route de toute une vie, que l’on a pu 
		prendre grâce aux moyens proposés par l’école), Sensei Habersetzer a 
		souhaité à ses fidèles « Tengu » (à noter une importante présence cette 
		année de karatékas non membres de l’association CRB-IT) bonne route pour 
		le retour, et une belle fin d’année, en promettant qu’il ferait tout son 
		possible pour que d’autres occasions de ce « plaisir d’aller sur la 
		vie » (Do-raku !) puissent encore avoir lieu dans le futur. A commencer 
		par le 55ème stage de printemps, les  25 et 26 mai 2019.  Ce 
		fut, à l’heure de se séparer, le souhait de toutes et de tous !  
		Mais plus que d’habitude encore, tout le monde a senti comme un souffle 
		du temps qui s’accélère. Séquence émotion…On vit bien que ce stage 
		anniversaire fut pour le Soke une page tournée sur un  sacré paquet 
		d’aventures et de souvenirs en tant d’années, qui ont laissé bien des 
		traces…Mais on vit aussi, avec plaisir, qu’il avait refait un plein 
		d’énergie au contact enthousiasmant de tant d’amis qui avaient répondu à 
		l’appel de ce Kan-geiko. Et ce ne fut pas le moins important de ce qui 
		s’est passé au cours de ce week-end !
 
		  
		 
		  
		 
		  
		  
		  
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